La petite sirène : une femme noire à l’écran ?

Article : La petite sirène : une femme noire à l’écran ?
Crédit: Buzzfeed
17 mai 2023

La petite sirène : une femme noire à l’écran ?

Depuis des décennies, les films d’animation de Disney enchantent les enfants et les adultes du monde entier. Avec la sortie du live action « La petite sirène », des enjeux cruciaux liés à l’identité et à la diversité culturelle sont soulevés. Une question essentielle persiste : comment les femmes noires sont-elles représentées dans cet univers fantastique ?

© Disneyphile

Les Disney ont longtemps été critiqués pour leur manque de diversité et de représentation des minorités ethniques. Les femmes noires en particulier ont souvent été marginalisées ou cantonnées à des rôles secondaires, contribuant à perpétuer des stéréotypes et des clichés nuisibles. Malgré ça, l’entreprise américaine a essayé de faire des efforts pour remédier à cette situation et offrir des personnages féminins noirs plus nuancés et complexes au fil des années. Bonne ou mauvaise idée ?

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La « strong black woman »

Avant, les femmes noires étaient relayées dans des rôles secondaires dans les Disney. Puis en 2010, grande avancée cinématographique avec la sortie de la Princesse et la grenouille. Comment vous dire… bien que je n’ai pas visionné le film, le scénario m’a profondément interpellé quant à l’image que la majorité des gens se font de la femme noire.

Dans ce film, Tiana, une femme de chambre travaillant pour une famille blanche aisée, se voit promue en tant que restauratrice en devenir. Les médias ont dépeint l’image d’une femme noire indépendante et ambitieuse, qui, selon Anika Noni Rose, l’actrice prêtant sa voix au personnage, « n’est en aucun cas une demoiselle en détresse passive ».

© Disneyphile
La princesse et la grenouille

Pour ma part, ce n’est pas nécessairement un compliment, car le seul personnage noir connu dans un Disney se voit contraint d’incarner le rôle de la « Strong Black Woman ». Mais savez-vous ce que signifie être une Strong Black Woman ? Eh bien, il s’agit d’un stéréotype associé aux femmes noires, qui les présente comme étant fortes et indépendantes.

Malheureusement, cette représentation a ses limites. La femme noire ne peut être sauvée ; elle est censée développer une « peau dure » (thick skin), une notion qui la déshumanise et l’amène à accepter la discrimination fondée sur son genre et sa couleur de peau.

Nous ne disons pas que l’indépendance féminine est une mauvaise chose, mais dans l’inconscient collectif, et même dans les films Disney, la femme noire ne peut être représentée autrement que par ce stéréotype. Ici, Disney flanche à donner de la profondeur et de la diversité aux femmes noires dans ses films.

Ses personnages féminins demeurent souvent limités à des archétypes ou des stéréotypes, ne reflétant pas pleinement la richesse et la complexité de l’expérience vécue par les femmes noires. Cette réalité soulève des questions importantes sur l’impact de ces représentations sur la perception de soi des jeunes filles noires, ainsi que sur la manière dont elles sont perçues par les autres.

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Le choix de Halle Bailey

Le choix de Halle Bailey pour incarner Ariel dans le live action est pour moi l’une des avancées les plus remarquables de Disney pour la représentation des femmes noires.

En 2019, l’annonce selon laquelle Halle Bailey, chanteuse du duo Chloe x Halle, incarnerait le rôle de la Petite Sirène a provoqué une onde de choc au sein de la Twittosphère (selon de dictionnaire Le Robert, il s’agit d’une communauté composée de personnes qui postent des tweets et de celles qui les lisent). De l’indignation s’est rapidement propagée face au choix audacieux d’une femme noire et afro-américaine pour ce rôle emblématique.

Pourtant, en ce qui me concerne, mon analyse s’est éloignée de la question de la couleur de peau pour se focaliser sur l’adéquation parfaite entre l’actrice choisie et le personnage. Je trouve profondément regrettable que la présence d’une femme noire en tête d’affiche d’une adaptation en live-action Disney ne soit pas perçue comme une reconnaissance de ses compétences et de son talent, mais plutôt comme une forme de discrimination positive, comme une simple tentative d’inclusion forcée, « parce qu’il faut inclure une noire. »

Les détracteurs de ce choix ont invoqué principalement l’argument selon lequel la Petite Sirène est enracinée dans la culture scandinave. Cependant, d’autres voix soulignent que la Petite Sirène est avant tout une créature mythique, dépourvue d’origine ou de couleur de peau spécifique liée à sa race. Je partage plutôt cette seconde vision. Après tout, aucun d’entre nous n’a jamais eu l’occasion d’observer une véritable sirène, à moins d’avoir parcouru les eaux gabonaises aux côtés du célèbre commandant Cousteau.

L’essence même de l’art et du cinéma est de nous ouvrir les yeux sur des horizons différents, de nous toucher et de nous faire réfléchir. D’autant plus, que le Disney tel que l’on connaît est une adaptation du conte originel dans lequel, la Petite Sirène ne désire être humaine qu’afin d’obtenir une « âme éternelle », a contrario du long métrage de 1989, où ce n’est que son amour pour le prince qui la guide à la surface de la terre.

Aussi, si une telle adaptation a été rendue possible, pourquoi ne pourrions-nous pas nous adapter au talent d’une jeune femme exceptionnelle ?

👂 Écouter la voix de Halle Bailey

En tant que femme racisée de 24 ans, je suis personnellement ravie de voir Halle faire ses débuts au cinéma. J’ai toujours été captivée par sa voix angélique.

Pour que vous puissiez vous faire votre propre opinion, je vous invite à écouter cette performance live de « I Wonder what she thinks of Me », extrait de l’album « Ungodly Hour » du duo qu’elle forme avec sa sœur, Chloe x Halle.

Qui de mieux que Halle pour incarner la plus belle voix de l’océan ?

Se construire en tant que femme noire

Il est essentiel de souligner que la représentation des femmes noires dans les Disney a une portée bien au-delà du divertissement. Avec la sortie du live action « La petite sirène », on peut enfin entrevoir une réelle avancée dans la représentation authentique et positive des femmes noires. Halle Bailey n’est pas un choix par défaut, elle permet aussi bien aux enfants qu’aux adultes de se sentir acceptés et valorisés. De trouver des similitudes entre nous et nos pairs.

© Grazia
Halle Bailey

La présence de Halle Bailey, une talentueuse actrice arborant des locs, dans un film Disney, revêt une beauté profonde. Cette coiffure, autrefois marginalisée de manière injuste, trouve aujourd’hui sa place dans l’univers enchanteur de Disney, même si certains peuvent encore avoir du mal à l’accepter d’un point de vue politiquement correct. Cependant, l’impact de cette représentation va bien au-delà. Permettez-moi de partager avec vous une expérience personnelle.

Pendant mon enfance, je rêvais d’avoir de longs cheveux lisses. Pourquoi ? Parce que les poupées avec lesquelles je jouais étaient toutes blondes et arboraient des chevelures parfaitement lisses. Ce n’est qu’à l’approche de mes vingt ans, grâce à l’émergence des réseaux sociaux et à la découverte des soins adaptés à mes cheveux naturels, que j’ai commencé à embrasser fièrement mes cheveux crépus, tels qu’ils sont. Désormais, je ne ressens plus le besoin de porter des extensions lisses pour m’adapter à une entrevue d’embauche ou à une situation professionnelle.

© Flickr

La représentation de femmes noires aux cheveux naturels dans les films Disney, comme Halle Bailey et ses magnifiques locks, envoie un message puissant et émouvant aux jeunes filles noires. Cela leur montre qu’elles peuvent pleinement embrasser leur identité capillaire et leur beauté naturelle sans se conformer aux normes de beauté prédominantes. Cette représentation favorise l’estime de soi, l’acceptation de soi et l’autonomie, éléments cruciaux pour un développement personnel épanoui et la construction d’une identité solide.

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À Séverine, qui a eu l’idée de cet article, qui a pensé à moi, une jeune femme noire pour le concevoir et qui m’a aidé et assisté. Ce fut travail à deux et je tiens à te remercier.

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